En présence d’Ed Bolen, président de la NBAA (National Business Aviation Association), de Juergen Wiese, président de la EBAA (European Business Aviation Association), De Douglas Carr (NBAA) et de Razvan Prunean (EBAA) une nouvelle édition du Safety Workshop a été organisée le 24 mai 2017, lors de l’EBACE à Genève.
Selon les organisateurs, l’aviation d’affaires témoigne d’un excellent bilan au niveau de la sécurité aérienne. L’industrie s’est engagée à une amélioration continue dans ce domaine. Ce thème a réuni plusieurs opérateurs pour un atelier annuel, le 24 mai à la European Business Aviation Convention and Exhibition (EBACE2017).
«L’atelier de cette année est plus interactif et pratique que jamais, nous fournissant toutes les stratégies que nous pouvons mettre en œuvre dans nos activités quotidiennes», a déclaré Juergen Wiese, président de la European Business Aviation Association (EBAA).
Le point fort de l’atelier était une analyse interactive d’un rapport d’accident réel impliquant un Hawker 700A aux États-Unis. Douglas Carr, vice-président des affaires réglementaires et internationales de la National Business Aviation Association (NBAA), a exposé les faits. Les participants se sont ensuite organisés en groupes pour identifier les causes de l’accident.
Leçons tirées d’un accident qui aurait pu être évité
Le Hawker volait de Dayton à Akron, Ohio, le 10 novembre 2015, lorsqu’il s’est écrasé 1,5 milles après la piste d’Akron-Fulton International, tuant les neuf personnes à bord.
« Tout ce qui concerne cet accident aurait pu être évité », a déclaré Douglas Carr. En effet, l’avion a fonctionné comme il se doit, le système du trafic aérien et le contrôle aérien étaient opérationnels. « Rien n’a été défaillant, sauf les gens. » (Traduit librement de l’Anglais, ndlr)
Avant que Douglas Carr et Razvan Prunean, cadres supérieurs pour la sécurité à la EBAA, n’aient présenté le rapport final du National Transportation Safety Board (NTSB) et les résultats de l’enquête, les participants de l’atelier ont discuté des dangers et des erreurs en cause dans cet accident. Par la suite, ils ont formulé des recommandations de sécurité en fonction de ces réflexions.
« Le capitaine n’a pas réussi à faire respecter ses instructions, lorsque le premier officier a raté l’approche finale et s’est engagé dans une approche ‘dive and drive‘[2] selon une configuration incorrecte », a déclaré le représentant d’un groupe. « Cela a probablement entraîné la perte de contrôle ». (“Dive and Drive” est une méthode de descente pour les approches de “non précision”, consistant à approcher la piste en faisant une succession de descentes à la MDA suivies de paliers, et non pas avec un angle constant de descente (CDFA), ndlr).
« C’est le PNF (pilote non en fonction) qui a discuté l’approche [contrairement aux procédures d’opérations standard de la compagnie qui spécifient que le flying pilot doit conduire le briefing], » a suggéré un autre groupe, « et s’il ne comprenait pas, il aurait dû demander confirmation ».
Les discussions autour de l’accident était très proches des résultats officiels du NTSB. Dans ses recommandations, le NTSB exigeait la mise en place d’un système de gestion de la sécurité (SMS : Safety Maagement System) pour guider les processus d’embauche et de formation, pour renforcer la culture de sécurité de l’entreprise et pour encourager l’engagement du personnel à suivre les procédures d’opérations standard.
« Est-ce que l’une de ces recommandations du NTSB pourrait changer ce que vous faites dans votre entreprise? », a demandé Douglas Carr aux participants de l’atelier. « Y a-t-il des possibilités d’amélioration? J’espère que vous avez tous des procédures de réaction aux situations critiques. Espérons qu’elles ne seront jamais à appliquer. »
Aspects de sécurité par rapport aux principaux facteurs de risque
La suite de l’atelier était axée sur une évaluation de la sécurité en fonction des facteurs de risque, identifiés suite à l’accident du Hawker en 2015. Des représentants d’Eurocontrol, de la FAA, du International Business Aviation Council et d’autres organisations ont présenté les dernières découvertes et les meilleures pratiques concernant plusieurs problèmes de sécurité.
Les autres intervenants de l’atelier ont également présenté des informations détaillées sur les sujets suivants :
- Turbulence de sillage, risques météorologiques, liaison de données : Volker Stuhlsatz, Maastricht MUAC (Maastricht Upper Area Control Centre), Eurocontrol.
- Mesurer la sécurité en aviation : Dr. Nektarios Karanikas, Aviation Academy, Amsterdam University of Applied Sciences.
- Inspections au sol : Len Cormier, Bermuda Civil Aviation Authority.
- Sécurité au sol : Terry Yeomans, IS-Bah (International Standard for Business Aircraft Handling).
- Fitness for Duty / temps de vol et respect du repos du pilote, Douglas Mellor, Fatigue Risk Management Science Limited.
- La culture de sécurité vs l’illusion de la sécurité, Dr. Barry Kirwan, Eurocontrol.
- Aspects pratiques de la sécurité concernant les « Remises de gaz » (Go-Around ) : Capt. Franco Pietracupa, Chief Pilot, Liaison Team, Bombardier Business Aircraft.
Aspects pratiques de la sécurité concernant les Go-Arounds
Après avoir présenté une vue globale sur des aspects de sécurité en général et quelques exemples d’accidents aériens, le Capitaine Franco Pietracupa, pilote en chef chez Bombardier Business Aircraft, a insisté sur la nécessité de renforcer la prise en compte des procédures de remise des gaz dans la formation des pilotes et dans les séances d’entraînement en simulateur de vol. En effet, pour mille vols, on n’observe qu’une seule approche manquée, toutes causes confondues (période 2009 – 2012). Dans 78% des remises de gaz, c’est le contrôle du trafic aérien qui en est à l’origine et non pas l’équipage.
Dans les facteurs qui contribuent à une remise des gaz, 27% sont liés au mauvais temps (vent, visibilité,…), 21% à des incursions de pistes par d’autres avions, 18% à la gestion du trafic aérien (service standard, transfert, …), 6% d’origine diverses (train d’atterrissage, TCAS,…). A ces facteurs s’ajoutent 23% concernant la gestion du vol (flight management), notamment des approches non stabilisées.
Il faut noter que seuls 3% de ces approches conduisent à une remise des gaz, alors que 97% des avions atterrissent malgré cette instabilité de l’approche. L’instabilité se mesure en termes de mauvaises altitudes par rapport au profil de descente défini, ou encore de l’inadéquation de la vitesse corrigée, du cap, du taux de descente, de la puissance des moteurs, de la configuration des volets. Ces paramètres sont à prendre en compte à différentes altitudes (1000 ft, 500 ft, Minimums) et doivent répondre à ce qui était prévu ou ordonné. « Pilots do things very well, pilots do a lot of things very well but when we do things wrong, we do those very well, too » a ajouté Franco Pietracupa.
D’un point de vue des pilotes, plusieurs facteurs jouent un rôle dans le renoncement à un Go-Around :
- détester gaspiller une approche
- trop de confiance en soi, mauvaise perception du risque réel
- perçue comme signe d’incompétence, vis-à-vis des collègues et de la compagnie aérienne
- ne pas vouloir admettre que l’approche était mal planifiée
- préserver l’image de la compagnie aérienne
- préserver l’autorité dans le cockpit
- critères de la compagnie jugés irréalistes pour une remise des gaz
- conditions météorologiques de vol à vue (VMC)
Le Capitaine Franco Pietracupa n’a pas hésité à parler de ses propres réticences, en tant que pilote, pour effectuer une remise des gaz : “I gotta hate to go-around. You know, for pilots to be told to go around, you have to shoot them.”
Les conditions pour une remise des gaz sont souvent difficile et inattendues, souvent les décisions sont prises au tout dernier moment (en dessous des minimums). La maîtrise de l’appareil après l’engagement du Go-Around est souvent délicate, dû au manque d’entraînement, ainsi qu’à la nécessaire coordination de toutes les commandes : la remise des gaz et la configuration du trim et des volets mettent plusieurs secondes avant d’être effectives (pour aller de 0 à 95% de puissance, les moteurs mettent 8 à 9 secondes). De ce fait, il y a un risque de surcompensation de la vitesse et de l’angle d’attaque, puisque l’avion met du temps à remonter. A cela s’ajoute une mauvaise connaissance du paramétrage du pilote automatique, la reconfiguration nécessaire des Navaids, la communication avec le contrôle aérien,… La maîtrise de la remise des gaz nécessite donc un entraînement ainsi que la connaissance et le respect des procédures.
Parmi les recommandations opérationnelles pour une remise des gaz figurent :
- La préparation mentale : Quelles sont les actions à effectuer en cas de Go-Around, quelles sont les responsabilités, comment sont réparties les tâches, quelles sont les corrections appropriées à apporter ? Ces points doivent être rappelés dans la phase d’approche finale ou après la finalisation de la checklist d’atterrissage. On peut faire l’analogie avec la préparation après V1.
- L’engagement entier : après la décision d’une remise des gaz on doit respecter les procédures d’approche interrompue publiée. S’il n’y a pas eu de faute, il n’y a pas de blâme.
- Concernant la procédure du Go-Around: Prononcer clairement et d’une manière audible le Go-Around. Les tâches du FP et du MP (flying pilot et monitoring pilot) doivent être bien définies. Le FP doit décider sans hésitation, si le pilote automatique et l’automanette doivent être activés ou non (après les avoir configurés correctement).
- Concernant la formation : divers scénario à MDA (Minimum Descent Altitude, altitude de descente minimum), doivent faire partie de l’entraînement sur simulateur ou en conditions réelles. A cela s’ajoutent des exercices en conditions difficiles : manœuvres à des altitudes intermédiaires d’approche, en cas d’approches non stabilisées, en cas d’alerte TCAS (Traffic alert and Collision Avoidance System : système d’alerte de trafic et d’évitement de collision), en situation d’incursion de la piste d’atterrissage, à des altitudes en dessous de MDA/DH (Decision Height: hauteur de décision).
- Les pilotes doivent être conscients des facteurs humains pendant la remise des gaz, pouvant altérer leur perception. Y figurent notamment des illusions somatograviques (impression de montée) et somatogyrales (en cas d’inclinaison prolongée).
- Et si « rien ne va plus », Franco Pietracupa propose de se servir des moyens mnémotechniques :
- Cinq C’s : Cram it, Climb it, Clean it, Cool it, Call it
- Cinq Up’s : Power up, Nose up, Gear up, Flaps up, Speak up
L’intervention sur les remises des gaz s’est terminée par la projection d’une vidéo de compilation de Go-Arounds spectaculaires. A la place, je propose de visionner une petite vidéo (en anglais) sur la procédure du GA à suivre à Jacksonville, en Floride, Etats-Unis : ATP Flight Training Series : Missed Approach
Rendez-vous est pris pour un nouveau workshop en 2018.
Reinhard Finke – VdN
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